Coups de gueule et coups de sang

Fil des billets - Fil des commentaires

dimanche, octobre 20 2013

Jean-Philippe Toussaint - Nue

Après le pavé Au revoir là-haut, Nue, de Jean-Philippe Toussaint, était un mince ouvrage, lu en l'espace d'une fin de soirée et d'un début de matinée. Ouvrage encensé au Musc et la palme, le même soir où Palladium, de Boris Razon, se faisait tailler en pièces. Quels que soient les défauts de ce dernier roman dont la construction alterne sans doute de façon trop systématique récits hallucinatoires et extraits de comptes-rendus médicaux, son succès, y compris auprès du public des jeunes lecteurs - comme la sincérité du propos - méritent au moins qu'on l'interroge. Il faut dire que c'était encore un soir où officiait Arnaud Viviant, promu semble-t-il au rang de pape par sa récente intronisation de critique officiel de Lui, ressuscité par Beigbeder. Rôle ravissant pour ce caquetant débiteur d'aphorismes, de boutades prétendument spirituelles et d'anathèmes à tout va. Nue était donc un chef d'oeuvre.

Ah. Pour ma part, je n'avais jamais rien lu de Jean-Philippe Toussaint, c'était une découverte.

Marie (Madeleine Marguerite de Montalte), haute-couturière, présente donc à Tokyo sa collection Maquis d'automne, dont le clou est une robe de miel – en fait une onction ruisselante de miel pur appliqué au pinceau sur le corps nu de la mannequin, avec cortège bruissant d'abeilles vivantes – après sa rupture d'avec le narrateur. Lequel, éperdu, s'efforce de ne la lâcher ni, lorsqu'il le peut, des yeux – d'où la scène où il épie, du toit du Contemporary Art Space de Shinagawa, un vernissage mondain – ni de la pensée, pour tenter de saisir l'essence même de son aimée devenue insaisissable. Clé : Marie ("c'est fou ce qu'il y a de Marie en réalité") a une disposition océanique, les italiques sont d'origine. Le narrateur a donc perdu Marie, il va la retrouver, après quelques tribulations.

Il a indéniablement un vocabulaire très riche, J. Ph. T. Et pour une qui vitupère régulièrement la disparition d'une syntaxe complexe, la sienne, proustienne, est un bonheur. Alors ?

Alors, qu'est donc Nue, sinon une historiette sentimentale pour snobs, un curieux cocktail de catalogue-d'art-contemporain-sur-papier-glacé avec la pincée de cruauté requise, de B.D., de saupoudrage cosmopolite de lieux branchés (Hokkaïdo, le Spiral de Tokyo, le Contemporary Art Space de Shinagawa, l'agence Rezo de Shibuya, l'aéroport Galileo Galilei de Pise, la gare de Piombino Maritima... activez vos GPS) et de références picturales pour initiés relatifs (les Nighthawks d'Edward Hopper, Bill Viola, Botticelli, Signorelli, grand spécialiste de la nudité...). Le tout enchâssé dans un univers imprégné de Proust, oisiveté, mondanités, jalousie, phrase...
On peut aussi penser à Bécaud, sans la voix, ni la pêche :

La place Saint Sulpice est vide
Devant moi, elle fume, Marie...

Lire la suite...

dimanche, décembre 30 2012

Alessandro Piperno - Inséparables.... peut-être, mais indigeste !

Restons en Italie, pour le meilleur.... et pour le pire. Inséparables, tel est le titre du roman d’Alessandro Piperno, prix Strega 2012 qui m’attendait, avec son bandeau alléchant. Et que j’ai traîné, perplexe, bien plus d’une semaine, pour le finir dans le train. By the way, une question me taraude : POURQUOI FAUT-IL QUE LES VOYAGEURS SE GÈLENT EN TGV ? – C’est la clim, est-il invariablement répondu aux voyageurs emmitouflés dans manteaux et écharpes à l’INTÉRIEUR du train. – Et alors ? En quoi est-il légitime qu’en plein hiver les clients de la prestigieuse ( ?) compagnie française de transports ferroviaires, voyageant à bord de son train de prestige, attrapent la crève pire que dans une troisième classe des trains d’autrefois, pour un prix très exagérément supérieur ? si clients nous sommes, puisqu’usagers est un terme et une notion semble-t-il caducs, ne serait-il pas légitime que nous soyons confortablement traités ?

J’ai donc fini Inséparables emballée jusqu’au nez dans ma grosse veste fourrée. Froid dehors, ennui dedans, le crayon à la main pour souligner, page après page, effets de remplissage, traduction bancale, aphorismes neu-neu, chroniques de gestes à perte de vue, conversations creuses. L’auteur serait un spécialiste de Proust. Question construction narrative, il n’en a pas gardé grand-chose. Quant au style... j’ai eu l’impression de replonger dans du Houellebecq (à moins que ce ne soit Marc Lévy ?), ce qui explique peut-être le succès et les éloges reçus dans la presse et sur la toile par cette interminable et languissante chronique fraternelle.

Lire la suite...

jeudi, décembre 20 2012

Grognon

ALORS LA, si Guillaume Gallienne n'aime pas Belle du Seigneur et adule ce sinistre torchon dix fois trop long et complaisant de Conjuration des Imbéciles, JE SUIS DÉPITÉE !

Mais tant pis, hein! personne n'est parfait.

jeudi, novembre 1 2012

Alexandre Astier - "Que ma joie demeure", ou Jean-Sébastien Bach version bidasse

Je ne sais plus quelle émission*  m’avait donné l’envie de voir Alexandre Astier en son dernier spectacle. Je l’avais trouvé intéressant, et sympathique. Ignorant tout de ce bouillonnant jeune homme dont certains de mes élèves prisaient fort la série Kaamelot, j’ai vu là l’occasion de découvrir son univers, en compagnie de Soizic, très enthousiaste. (*Sans doute n’était-ce pas Eclectik, que je suis en train de réécouter avec agacement).

Je n’ai rien compris à ce spectacle. Ni la démarche de l’auteur-acteur, ni les rires permanents de la salle. Alexandre Astier, vêtu XVIIIe d’une sorte de redingote bourgeoise, avec jabot et chaussures à talons, plus perruque épisodique, revendique devant son clavecin - dont il joue avec talent voire avec brio, comme aussi de la viole de gambe - une forme d’exactitude historique dans le costume et le décor. En revanche, il récuse toute légitimité des dialogues « historiques », dont il considère qu’ils font parler les personnages comme des livres. A cette recherche dans le décor et le costume répond donc un dialogue – un monologue – dans le français contemporain le plus relâché. Passons sur le « Chiotte ! » qui ouvre la pièce (écho du « Merdre ! » d’Ubu ?) et manifeste l’irritation de Bach de se voir imposer une « journée portes ouvertes » avec cours public de musique par les autorités de Leipzig, alors qu’il a d’autres chats à fouetter, mais quid de la suite ? Mais pourquoi un Bach continuellement vulgaire (truculent n’est pas vulgaire), et surtout méprisant au possible avec son public ? Si la correspondance du musicien témoigne de son irritation face à la pingrerie et à la stupidité de ses employeurs, si elle  mentionne la nullité de certains des élèves qui lui étaient infligés, elle est écrite dans une langue pour le moins châtiée, et pour être cassante, elle n’en est ni grossière, ni arrogante. Comme on le comprend au fil du spectacle – qui d’ailleurs comporte quelques longueurs – Bach est tourmenté par ses soucis professionnels, familiaux, ses enfants en bas âge et tous ses enfants morts. Il en résulte une tristesse – une mélancolie ? – vers la compréhension de laquelle le spectacle chemine, et qui en explique le titre.

Lire la suite...

jeudi, septembre 13 2012

Flagornerie - ou flingage ?

A la veille de la publication officielle de cet opus mémorable, je ne résiste pas au plaisir de vous proposer une petite promenade sur le web critique. Le premier article est issu des pages "culture (???)" de l'Express. Elle est sobrement signée, hélas ! "Lire". Dommage, j'eusse aimé connaître le nom d'un tel maître de la brosse à reluire. Mais les premières pages de La Jouissance, roman européen, y sont librement offertes. Abeilles lectrices, butinez ce nectar !

Le second, signé Claro et titré "Zeller : de rien", ce qui, je l'avoue, me fait pouffer, est une exécution en règle. Un peu trop féroce même, ça tournerait presque à l'acharnement sur un cadavre. Quelques bonnes âmes parmi les auteurs de commentaires s'en indignent. Moi, je comprends. A un certain degré de nullité imposée et encensée à longueur de pages et d'ondes, on s'énerve, et on se déchaîne. Et le lecteur hargneux rigole, soulagé. Le rire est une catharsis, un partage, et une jouissance, petit plaisir français.

samedi, septembre 1 2012

Les livres à la radio

Je n’aime pas les mondanités. Clara Dupont-Monod a sévi longtemps sur France Culture à l’émission littéraire de Massé-Scaron, haut-lieu désormais disparu du small talk germano-pratin. Je l’ai entendue aux Affranchis d’Isabelle Giordano sur France Inter, émission vulgaire et ricaneuse remplacée en cette rentrée par une autre encore plus vulgaire. La voici à la tête d’une émission littéraire sur France Inter : Clara et les chics livres, inspirée quant à son titre par Clara et les chics types, un film des années 80, avec Adjani dans un de ses beaux rôles, et une brochette d’acteurs de choix, comme Thierry Lhermitte ou Daniel Auteuil. On est loin du film : j’ai écouté cinq minutes. C’est insupportable de fatuité minaudière. J’arrête. Heureusement – j’ai vérifié – il y a toujours Ça Peut pas faire de mal, petite merveille portée par le souffle passionné de Guillaume Gallienne, à 18 heures.

vendredi, août 31 2012

Emmanuel Carrère : La Moustache... quelle barbe ! :-(

Encore un roman - offert gratuitement par Folio pour l’achat de deux autres volumes - d’autant plus irritant que je le lis pendant des vacances peu actives en ce domaine. Je n’irai pas jusqu’à la fin, tout m’y agace, du style à la façon de mener l’intrigue, et d’ailleurs j’ai déjà lu la fin, sur laquelle une quatrième de couverture racoleuse attire l’attention comme pour inviter précisément à enfreindre l’interdiction de la lire d’emblée. C’est La Moustache d’Emmanuel Carrère, livre dont j’ai mainte fois entendu l’éloge, et auteur célébré s’il en est, y compris par des proches ou moins proches, lecteurs avertis pour lesquels j’ai de l’estime.

Je ne pense pas que ma gêne vienne du prénom de l’héroïne ou plutôt de la femme du héros, Agnès, à laquelle rien sinon précisément cette communauté de prénom ne m’invite à m’identifier. Non, dès les premières pages, je n’ai pas marché : parce que c’est invraisemblable et bancal, cette histoire de type dont la moustache rasée ne saute aux yeux de personne. S’il la portait depuis dix ans, il avait forcément une pièce d’identité qui en attestait, et c’est je crois, avec les photos, la première chose à laquelle il aurait dû penser. L’attitude d’Agnès, à mi-chemin entre inquiétude et mystification, manque elle aussi de cohérence. En outre, j’ai du mal à imaginer que l’on puisse ne pas avoir, face à un homme qui a rasé sa moustache, de souvenir sensible de son contact. Un baiser à moustache n’est pas un baiser glabre, et induit forcément la perception sensible de son absence.

Lire la suite...

mercredi, août 1 2012

"Bonnes feuilles", feuilles mortes, feuilles de chou...

Deux extraits de « bonnes feuilles » entendus par inadvertance sur France Culture. La première fois, c’était Amélie Nothomb. Une voix acide, qui m’a rappelé celle de Karin Viard, mais avec une diction tellement trébuchante que je me suis inquiétée pour la comédienne. Raté, c’était l’autrice, qui lisait elle-même l’incipit de son roman-de-la-rentrée. Une resucée de Barbe Bleue version colocation, avec sombre et mystérieux séducteur au nom espagnol, lequel proposait pour un loyer dérisoire (500 euros, quand même) un appart grand luxe dans quelque chose comme le XVIe arrondissement. L’héroïne se nomme Saturnine, elle est belge, elle n’en peut plus de partager le deux-pièces et l’hospitalité de sa copine Corinne à Marne-la-Vallée, et la brochette de bourgeoises chics qui attend avec elle dans l’antichambre a flairé en elle la future élue du fascinant Don Juan qui les fait toutes rêver.
Sur fond de banalités diverses, catalogue d’agences immobilières, études sociologiques sur les appartements parisiens ou le regard hypothétiquement porté par les Français sur les Belges ou sur les aristocrates, l’autrice, qui en est à son vingtième roman mais à son soixante-treizième enfantement (ce qui fait un total de 53 fausses-couches si je sais compter, quelle santé ! – ou quel gâchis), l’autrice donc accumule les formules gnomiques, sentences et autres aphorismes, dans un style qui associe quelques afféteries (un « brushing impavide », hypallage ?) avec un lot de platitudes, et emploie l’insupportable tournure « l’insupporter » qui m’insupporte. Elle parle de son œuvre avec ardeur et conviction, et une sorte de naïveté aveugle et satisfaite. Sachez quand même qu’il s’agit d’une réhabilitation du personnage de Barbe Bleue ignominieusement traité par Perrault, et de son droit au secret.

Cette fille doit largement friser la cinquantaine, et l’énergie qu’elle met à se mettre en scène au lieu de travailler son talent a quelque chose de profondément pathétique.

Lire la suite...

dimanche, mai 13 2012

A propos de 'clinquant', fulminations lexicales à sauts et à gambades

Mais bon sang, ils peuvent pas dire « clinquant » au lieu de dire « bling-bling » ????? - « en toc, tape-à-l’œil, tapageur(-se), maniéré(e), prétentieux(-se), factice » ????? Ni « défi » au lieu de « challenge » - qui au passage est un mot issu de l’ancien français, lequel est lui-même issu du latin « calumniare », marrant, non ?
On leur apprend pas non plus le vocabulaire, dans les écoles de journalisme ? Ce matin, c’est à propos de cuisine, dans l’émission « On va déguster » sur France Inter. Que j’écoutais après « Eklectik » de Rebecca Manzoni/ Jacques Audiard, en me disant que France Inter proposait désormais des émissions de grande qualité, construites, documentées, inventives, avec des voix de radio [des fois, il y a la voix sans la qualité : la minaudière, frétillante, inquisitoriale, arrogante, paternaliste, insupportable Pascale Clark, par exemple], alors que France Culture avait perdu cette touche de la voix, qui était, avec la passion de transmettre de ses producteurs(-trices) d’autrefois, sa griffe. Donc Rebecca Manzoni, avec sa voix, son sens du silence, son attention aux gens qu’elle interviewe, la connaissance et le respect qu’elle a de leur travail. Et la façon qu’elle a de les rendre intéressants, de les transmettre, en somme, même quand a priori ils ne font pas partie des références de l’auditrice que je suis. Joey Starr, par exemple, que j’ai écouté presque à mon corps défendant (mais avec intérêt)… (mais pas Annie Ernaux, non, au-dessus de mes forces). Jacques Audiard, c’était un bonheur, avec sa diction trébuchante, sa modestie, et cette passion de la forme juste, qui lui a fait peupler sa « minute de solitude » conclusive par la lecture d’un passage de « Forme et signification » de Jean Rousset, consacré à Flaubert, par lettre à Louise Colet interposée. Sur l’art de faire tenir ensemble, dans une forme de déséquilibre, de beaux passages fignolés, puis défignolés. Alors, si les hôtes d’ « On Va déguster » ont la passion de la bonne cuisine, des produits goûteux et du terroir, que ne l’expriment-ils dans une langue elle aussi ancrée en terroir, en archaïsmes, savoureuse, en somme ? Au lieu de parler de « cuisine bling bling » !

Il y a un autre mot qui florit par les temps qui courent dans les propos moutonniers des journalistes et autres chroniqueurs. De « marinisme » ou « mariniste », pour ma part, je ne connaissais que la langue affectée, précieuse, maniérée (presque une anagramme) du Cavalier Marin, Giambattista Marino, dont l’« Adonis », offert à Louis XIII en 1623, bouleversa l’Europe galante et précieuse du XVIIe. (C’est l’une des sources de L’Adonis de La Fontaine, dédié à Fouquet). Poète brillant, le Cavalier, est quasiment le vulgarisateur du concetto, la pointe ou chute galante qui irrite tant Alceste dans le sonnet d’Oronte…

Lire la suite...

dimanche, avril 1 2012

Livres...

Aujourd'hui est un triste jour pour les lecteurs et surtout pour les libraires, et ce n'est pas, hélas ! un poisson d'avril. Le prix des livres, soumis à la TVA, augmente. On en est consternés.

La nature morte au livre est de Laura Roucou, élève d’Agnès Guesdon au lycée Lamarck.

vendredi, février 3 2012

Se colleter avec la langue

Il y a une erreur de langue qui se multiplie et qui m’énerve. C’est celle qui consiste à employer le verbe « se coltiner » à la place de « se colleter ». Pas plus tard qu'hier soir sur France Culture, dans un texte de Mathias Enard inspiré par son voyage en transsibérien il y a deux ans, « L’alcool et la nostalgie », « une ‘ véritable ’ fiction » – parce qu’il y a des fausses fictions ?, qui sont des vraies réalités ?? – lue par lui-même et truffée entre autres de références à la Prose de Cendrars. La fille s’appelle Jeanne, et quoique ce fût assez bavard, j’écoutais sans déplaisir, jusqu’à ce que le narrateur évoque son désir d’« une vie d’aventures, de plaisir et de liberté sans avoir vraiment besoin de me coltiner à l’écriture »… soubresaut intérieur. Ça fait quand même une confusion doublée d’un solécisme, car « se colleter » se construit avec ‘avec’, justement.

Alors ON SE COLLETTE AVEC quelqu’un que l’on a pris au collet, c’est à dire au col, pour se battre avec lui : « Meaulnes lâcha Delouche pour se colleter avec cet imbécile et il allait peut-être se trouver en mauvaise posture, lorsque la porte des appartements s'ouvrit à demi ». Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, tandis qu’on SE COLTINE les sacs de courses lorsque l’ascenseur est en panne, ou un importun dont on n’arrive pas à se débarrasser, de « coltin », le chapeau de cuir des portefaix qui leur couvrait cou et épaules*. Le premier est actif, le second passif. Et lorsqu’on écrit, il importe de se colleter avec la langue, et de faire usage des dictionnaires, (y compris électroniques), qui permettent de corriger telle ou telle inadvertance. Oui, je sais, il est mal de vouloir réglementer la langue, on l’empêche d’évoluer, de vivre, qu’y disent. Mais l’ignorance n’est pas la créativité, et une langue sans histoire ni canons se morcèle ou se dissout dans l’insignifiance.

* Ainsi Les Charbonniers de Monet (1875) (se) coltinent-ils leurs sacs au pont d'Asnières. (Musée d'Orsay)

 

samedi, janvier 7 2012

Le Vampire, n-ième épisode - sans la grâce sinueuse de Musidora

Le long de la place du marché, il y a un café-tabac-maison de la presse. C’est en passant devant que je me suis cognée sur le gros titre du Point de la semaine : « Camus par Onfray », en grandes lettres blanches. C’est ce qu’on lit d’abord, avec un photomontage d’Onfray en couleurs et en col roulé gris, la boucle ondoyante et l’œil fixe derrière ses lunettes branchées, dominant debout un Camus en noir et blanc, assis, en costume cravate, l’œil fixe et la cigarette au bout des doigts. Et puis en jaune, les sous-titres, qui sont en fait des sur-titres : « Le philosophe qui ne s’est jamais trompé./ Comment Sartre a tenté de le tuer. » Le premier desdits sur-titres coïncidant exactement avec le visage d’Onfray, le passant-lecteur a un moment d’hésitation…. Quant au second titre, s’agit-il du Point, ou du Nouveau Détective ? Le cadre qui emballe le tout est d’un rouge dramatique à souhait.

Ce billet n’a d’autre légitimité que celle de l’exaspération. Je n’ai pas lu le bouquin d’Onfray - que signifie d’ailleurs sur la couverture de ce dernier opus cette photo ridicule d’un Camus faisant le grand écart debout, et découpé de tout contexte ? –  et je ne le lirai pas. J’ai assez écouté le personnage sur France Culture pour savoir que c’est un maître de l’imposture intellectuelle. Que dans son propos, les approximations sont légion, et les distorsions de la pensée des auteurs qu’il cite innombrables, et toutes destinées à alimenter la grande revendication voltairienne et ringarde qui est la sienne depuis que sous prétexte d’athéisme militant, il a entrepris de se poser en icône de l’anticléricalisme le plus franchouillard, et en héritier et promoteur de l’hédonisme redéfini à grand renfort de simplifications diverses. A étayer son ego, aussi. Je remarque seulement qu’après s’être modestement posé en héritier de Nietzsche, et avoir prétendument « déboulonné » Freud dont il a fait une caricature insupportable (il faut l’entendre citer des textes et faire mine de les commenter au mépris de toute cohérence et de tout respect de la lettre et du contexte ! de toute démarche philologique), il reprend son entreprise d’auto-promotion en se nourrissant de la moelle d’un écrivain au moins charismatique et dont ni le talent ni la générosité n’ont jamais été sérieusement endommagés par les attaques fielleuses dont il a fait parfois l’objet. Je n’ai pas de goût pour Sartre, je ne pense pas que ni lui ni Beauvoir se soient comportés élégamment avec Camus, mais qui voudrait d’Onfray comme justicier dans cette affaire ? C’est un peu comme si Tartuffe se faisait l’apologiste, je ne sais pas… de François d’Assise ? et puis, Onfray libertaire, encensé dans des magazines grand public, et en montre dans tous les médias les plus officiels, qui peut sérieusement y croire ? S’il est plus que louable de promouvoir une université populaire, que penser d’un grand prêtre (eh oui !) d’icelle qui y fournit un enseignement approximatif, frelaté ?  Pas très honorable, et en complète contradiction avec l’honnête homme que se voulait Camus, et qu’il s’est, contre vents et marées, efforcé d’être. Corruptio optimi pessima.

Onfray, ou Homais ?

Et, comme illustration, l'un des nouveaux marque-page de chez Folio....

vendredi, octobre 28 2011

Caquetages critiques

« Lorsque l’on étudie le latin et le grec à l’université, il peut arriver que le charme austère des langues anciennes – leur grammaire difficile et implacable, les exigences de la syntaxe, les contraintes de la métrique, qui n’admettent ni médiocrité ni à peu-près – finisse par forger un goût pour un certain type de rigueur, et cette rigueur devient une sorte de modèle, non seulement  pour les critères qu’en tant que critique, on se doit d’appliquer à son sujet (qu’il s’agisse d’art, de théâtre, de cinéma, de danse, de littérature ou de tout autre chose), mais également pour les qualités que l’on recherche dans les œuvres que l’on examine. A savoir, une cohérence riche de sens dans la forme comme dans le contenu ; le déploiement subtil mais précis de détails au service de ce sens ; de la vigueur et de la clarté d’exception ; et une rigueur dans la démarche. Ne voyant aucune raison de ne pas appliquer ces critères aussi bien aux produits de la culture populaire – du moins, ceux qui aspirent à quelque sérieux – qu’à ceux de la Culture avec un grand C (et de ne pas y rechercher ces mêmes qualités), je me suis efforcé de les intégrer et de les appliquer de la même manière à mes propres écrits critiques ».

Je n’ai pas eu le temps, hélas !, de chroniquer encore le dernier bouquin de Daniel Mendelsohn, recueil d’articles de critique littéraire et cinématographique, essentiellement, mais je pensais à ce texte un matin de la fin d’août (oui c’est du réchauffé, j’avais oublié cette chronique ! mais son sujet reste d’actualité, hélas), en écoutant à France Inter un fragment de l’émission « Microfictions », avec un échantillon de la « critique littéraire » parisienne. Insupportable exemple de micro-cosme verbeux, satisfait, vaniteux. Où j’ai appris, entre autres, que les lecteurs en avaient marre des pavés, et se jetaient sur les minces ouvrages qui correspondaient mieux à leurs attentes et à leur temps. J’avais pourtant entendu parler il y a peu du succès planétaire de la trilogie de Stieg Larsson (un bon millier de pages, au bas mot), ou de La Couleur des sentiments ici chroniqué, qui n’est pas un fascicule, ou encore de celui, inébranlable malgré les années, du Comte de Monte Cristo, autre bon millier de pages pour la vengeance d’un seul homme dans un seul roman ! sans parler d’Une Femme fuyant l’annonce, de David Grossman, à ma connaissance parmi les meilleures ventes de la rentrée. J’ai appris aussi que Joseph Macé-Scarron, qui officie sur FQ et partout ailleurs, avait été accusé de plagiat et avait reconnu avoir fait « une connerie » en pompant plus ou moins tel ou tel auteur mais ce n’est pas grave parce que c’est comme Houellebecq (que j’en ai marre de cette absolution donnée aux recopiages-remplissages houellebecquiens !!!), et que la rentrée littéraire française  était de qualité, en particulier pour ce qui concernait les premiers romans. Croyez-moi si vous voulez, la chose a été incantée par au moins trois ou quatre de ces bruyantes bonnes gens sans que jamais oncques auteur ne soit nommé. Moi qui avais repéré en vitrine Du Domaine des murmures, le nouvel opus de Carole Martinez, dont Le Cœur cousu, malgré longueurs et maladresses, m’avait touchée et séduite, j’en suis restée sur ma faim et sur ma rage. Bruyant small talk de pseudo-initiés, qui tous, en outre, se font à leurs heures auteurs et se renvoient consciencieusement l’ascenseur (le tapis-roulant ?). Foin de toute déontologie, foin du plaisir, foin de l’hommage éclairé. Dans sa mondaine basse-cour, la volaille satisfaite caquète, hélas trop indigeste pour que quiconque envisage de la mettre au pot ou à la broche.

dimanche, avril 10 2011

Erling Jepsen - L'Art de pleurer en chœur. Sans art, ni cœur.

Je ne finirai pas L’Art de pleurer en chœur, d’Erling Jepsen, roman danois. Le titre m’avait séduite, le début aussi, avec scène de famille années 60 le jour de l’arrivée de la télé. Mais la suite m’agace, ou plutôt le ton : narration faussement naïve (à hauteur d’enfant, comme dirait « notre » abjecte romancière de caniveau) de la vie d’une famille à tout le moins « dysfonctionnelle », avec inceste et petits meurtres en famille. Regard naïf qui laisse au lecteur le soin de tirer ses conclusions, en quête d’une complicité souriante, roublarde, cynique. Rien de juste, là-dedans, ni socialement, ni humainement, ni littérairement. C’est, en mieux écrit, aussi racoleur que titeuf. Beurk.

samedi, février 19 2011

Houellebest, Houelleberk....

Il y a un petit côté Balzac, décidément, chez Houellebecq : à l’image de son illustre prédécesseur, il (le personnage, attention, pas l’auteur !), étoile ses brouillons de corrections successives, signes manifestes du travail du style et de la puissance de travail dont l’œuvre est le produit : « Avec réticence, Houellebecq sortit quelques feuilles. Il y avait très peu de ratures, mais de nombreux astérisques au milieu du texte, accompagnés de flèches qui conduisaient à d’autres blocs de texte, les uns dans la marge, les autres sur des feuilles séparées. A l’intérieur de ces blocs, de forme grossièrement rectangulaire, de nouveaux astérisques renvoyaient à de nouveaux blocs, cela formait comme une arborescence. »

Il en ressort une œuvre foisonnante et inassignable, ironique, référentielle, savamment architecturée, dont notre effort s’est borné, en quelques relevés, à tenter de repérer quelques lignes de force, penchants, tendances :

  • Midinette : ''Ils se regardèrent alors, sans parler, pendant quelques secondes, et Jed n’eut plus de doute : le regard qu’elle plongeait dans le sien était bel et bien un regard de désir. Et, à son expression, elle sut aussitôt qu’il savait.''
  • Connaisseur :'' « Vous savez que vous êtes avec une des cinq plus belles femmes de Paris ? » Son ton était redevenu sérieux, professionnel, il connaissait visiblement les quatre autres. A cela, non plus, Jed ne trouva rien à répondre. Que répondre, en général, aux interrogations humaines ?'' [Moraliste du XVIIe pour la coda]

Lire la suite...

lundi, février 7 2011

... "il s'endormit aussitôt, le cerveau parfaitement vide".

Je suis en train de lire La Carte et le territoire. Quatre chapitres, pour l’instant, de préambule. Et deux de la première partie Et je suis partagée entre dégoût, ennui insurmontable, et perplexité très profonde. Jed Martin a eu une panne de chauffe-eau le 15 décembre, et il a été dépanné par un plombier croate qui va quitter le boulot pour s’investir dans le tourisme en rentrant au pays natal, - suit le prospectus. Il a des problèmes de communication avec son vieux père, qui pourtant, connaît Michel Houellebecq, un très bon écrivain (c’est le père qui le dit, mais le père ne serait-il pas une émanation de l’auteur ? ça me fait penser à Marcel Maréchal, parvenu depuis quelque temps déjà au sommet de l’histrionisme, qui dans une de ses dernières pièces, un ragoût de scènes classiques du répertoire, faisait faire par Molière soi-même l’éloge de je ne sais plus quelle pièce d’icelui récemment montée par Marcel Maréchal - Georges Dandin, c'est ça -, Houellebecq donc très bon écrivain parce que connu mondialement, qui pourrait lui faire le texte du catalogue de sa prochaine expo. Paske c’est un artiste, JM, et il cale sur sa toile Jef Koons et Damien Hirst se partagent le marché de l’art. D’ailleurs il cale tellement qu’après l’avoir mise en pièces il dégueule dessus et c’est la fin du préambule, « il était visiblement parvenu à une fin de cycle ». Digestif, au moins.

Lire la suite...

samedi, juillet 31 2010

Petit accès de masochisme estival : Ragde III

Ce coup-ci, c’est « Dans de verts pâturages », le titre, à coloration biblique (voir Margido). J’aurais au moins appris à utiliser le traducteur en ligne norvégien-français. D’où il ressort que :
*  l’on boit beaucoup en Norvège, de la bière, du « snaps »  - et du champagne Bollinger chez les bobos (à mon avis, l’autrice a été sponsorisée par la marque, si l’on compte le nombre de fois où elle est mentionnée)
*  l’élevage des cochons n’est vraiment pas une sinécure, surtout en période de canicule
*  la vie en Norvège n’est pas absolument idyllique, surtout pour les paysans et les vieillards*.

Ce qui fait sans doute le succès international de ce bouquin, c’est pourtant tout le contraire de l’ancrage dans un univers spécifique. À l’image de la cuisine de Krumme, peut-être savoureuse, mais simple conjugaison de saveurs interlopes, la litanie des  recettes, des dialogues neu-neu ou branchouilles, des idées à la mode, des gestes interminables (on sort de là capable de décorer une vitrine, de soigner des cochons ou de toiletter un mort sans besoin de formation complémentaire), crée un univers passe-partout où le lecteur complaisant peut sans mal se reconnaître. L’amateur de belles histoires, quant à lui, construites, charpentées, écrites, suggestives, en ressort passablement exaspéré, et vouant à quasi tous les personnages, et en particulier au couple homosexuel d’Erlend (le petit mulot, mpfff...) et de Krumme (miettes), insupportable de snobisme, de fric, d’égoïsme, une solide détestation. Rassurez-vous, si j’ai eu la sottise de finir la trilogie, je ne l’ai pas achetée : on me l’a prêtée. 69 € pour un scénario de série télévisée, c’est un peu cher.

* Se reporter à ce sujet à Doppler, d'Erlend Loe, ici chroniqué il y a quelques mois. Ouvrage tout aussi mal traduit, mais tellement plus inventif !

 

vendredi, juillet 30 2010

Ragde, suite... GROGNON.

« Ce roman d’une grande noirceur, superbement écrit, est une description magnifique d’une famille engluée dans les non-dits. »

C’est ce que dit le Nouvel Obs’, cité en bandeau. Je ne dois pas avoir les bonnes lunettes, paske moi, j’y vois plutôt la Comtesse de Ségur, et encore, sans la cruauté. J’aime beaucoup la Comtesse, au demeurant, j’ai ri aux éclats à François le bossu et aux Deux Nigauds, alors que là, je vois plutôt une histoire édifiante, mal traduite, et découpée sur le mode du feuilleton : ça s’arrête en plein milieu d’un épisode crucial ! seulement, le principe du roman feuilleton, c’est que ça se vend au numéro de journal, alors qu’ici le volume (il y en a trois) coûte 22,90 €. Ça me paraît terriblement malhonnête : imaginez le lecteur qui n’achète que ce tome-là : il ignore le détail de ce qui s’est passé avant, et si ça ne lui plaît pas, il ignorera aussi ce qui se passe après que Torunn ait violemment « [ouvert] la porte qui donnait sur les bêtes et [allumé] les néons ». Même Harry Potter ne s’est pas permis ce genre de désinvolture, et chaque volume fait un tout, non ? Ajoutez à cela que mon exemplaire passe de la page 64 à la page 97 (deux fois), et que les trente-trois pages manquantes ont permis à Torunn de rencontrer l’homme provisoire de sa vie, à sa mère de se faire quitter, à Margido de se laisser séduire par une veuve...

La traduction est toujours défaillante : en particulier, le titre norvégien Eremittkrepsene, signifie « Bernard l’hermitte (s ?) », titre qui, à nouveau, fait sens, à la fois pour le volume et par rapport au précédent. D’où sans doute le choix, légitime, de le traduire par cette « Ferme des Neshov » plate et sans intérêt. Chronique de gestes, dialogues envahissants sans être forcément nécessaires... je crois que je commence à comprendre ce qui a fait CE best seller : une certaine manière, bien pensante, de capter un air du temps consensuel, et somme toute, assez niais. Dans le genre conte, je préfère Andersen.

dimanche, juin 21 2009

Claudie Gallay – Dans l’Or du temps

Un livre qui m’a exaspérée. Je l’ai lu jusqu’au bout parce qu’il m’a été offert par une amie chère, sur les conseils de son libraire. Rien de pire que de lire avec déplaisir, reste à tenter de cerner pourquoi.
Voyons l’histoire. Un type à côté de ses pompes, prof, semble-t-il, quitte Montreuil avec sa femme Anna – belle et réservée – et leurs jumelles de sept ans pour leur maison de vacances, achetée sur un « coup de cœur » dans les parages de Varengeville près de Dieppe. La routine d’été, pluie, jeux, baignades, coquillages, lecture subreptice par les filles des « Martine », la collection d’albums pour enfants des années 60, réprouvée par Anna - sous le regard attendri et détaché du père, alors que s’installe dans le couple une insidieuse mésentente.
Le jour de l’anniversaire des filles, il oublie de rapporter les fraises requises pour le gâteau meringué. Une halte à l’épicerie ambulante est pour lui l’occasion de rencontrer Alice Berthier, une vieille dame acerbe qu’il aide à transporter un panier de poires jusqu’à sa demeure au bord de la falaise. Peu à peu, les visites chez Alice se multiplient, après la découverte au sommet d’une armoire de ''kashinas'', des masques hopi. Lui est le fils d’un marchand d’art, elle d’un photographe avec qui elle a vécu quelque temps chez les Hopis, en même temps qu’André Breton et sa femme Élisa. Au fil des visites chez Alice dont il tente de sonder les secrets et les mystères, son couple avec Anna se défait, et le lecteur progresse dans la connaissance des rites hopis et de la rencontre d’André Breton avec ce peuple et cette culture.

Lire la suite...

mardi, décembre 30 2008

Gyp - à fuir

Trop enrhumée pour lire quelque chose de consistant, j’ai attrapé hier sur un rayon de la bibliothèque un petit livre de poche que je n’avais jamais lu, quoique le titre me fît, depuis bien longtemps, de l’œil : Gyp, Le Mariage de Chiffon. Le nom de l’auteur aussi, un pseudo évidemment, et qui claque. J’ai donc lu. Avec un intérêt décuplé par la mention au dos du roman du nom réel de l’autrice : née Sibylle-Gabrielle Marie-Antoinette de Riquetti de Mirabeau, puis comtesse de Martel de Janville (1849-1932). Nom à rallonges s’il en est, mais surtout ascendance prestigieuse ! en fait, elle est l’arrière-petite-nièce du grand Mirabeau, et petite-fille du frère d’icelui, Mirabeau-Tonneau.

C’est donc un mince roman, qui s’ouvre, à Pont-sur-Sarthe, par un débat entre la jeune Chiffon et sa mère sur la perspective d’un mariage avec un duc. Mariage que la jeune fille, très garçonnière et qui n’a pas la langue dans sa poche - elle manie même l’argot avec brio et gouaille, où a-t-elle pu l’apprendre ? – refuse d’envisager, malgré sa sympathie pour le prétendant. Elle a seize ans, et aime ses fleurs, son chien Gribouille, ses tendres grands-oncle-et-tante qui l’ont partiellement élevée, son beau-père le Comte de Bray et le frère d’icelui, l’oncle Marc, sans parler de son nourrice le vieux domestique Jean, et du brave curé de la paroisse . Elle déteste les mondanités, l’hypocrisie, les Jésuites, la vie sociale pour le paraître. Et supporte difficilement sa mère, snob, tapageuse et tyrannique. Les dialogues sont vifs, assez enlevés, on se laisse cueillir. Et puis il y a quelques jolies trouvailles, comme celle-ci : « Grondée, secouée par sa mère dès l’âge où elle pouvait se souvenir ; soignée et caressée par le vieil oncle et la vieille tante dès qu’elle les avait connus, (…) Coryse, foncièrement gaie par tempérament, mais triste par réflexion, vivait dans une perpétuelle inquiétude ».

Lire la suite...

jeudi, octobre 30 2008

"Une vie, une œuvre", un naufrage (sur France "culture" ???)

Autrefois (oui, je sais, c’est un mauvais début. Ça fait nostalgique…) ça durait trois heures ? et on y apprenait, par la voix de passionnés et / ou de spécialistes inspirés, des tas de choses sur tel auteur, tel peintre, tel musicien, familier ou radicalement inconnu. J’ai écouté ce matin - parce que c’était Albert Cohen - la nouvelle mouture, celle de ce jeune monsieur Garrigou-Lagrange. Belle du Seigneur a été résumé en moins d’une minute. Ce qui témoigne, au moins, d’un sens aigu du raccourci.
D’où il ressort que, dans l’interminable ennui de la passion, Ariane et Solal sont devenus toxicomanes (sic) (on ne peut pas prétendre le contraire : ils se shootent à l’éther). J’y ai appris que Solal séduisait Ariane le soir même de son intrusion chez elle, - ce que je lis distraitement, tout de même ! Cohen, lui, a eu trois femmes plus quelques maîtresses, il a écrit son œuvre, qui s’inspire de lui-même, un type très narcissique, en le sublimant, il a fait une petite carrière diplomatique, et il a fini déprimé. Ce qui explique qu’il ait tenu des propos si méchants sur la pauvre Yourcenar. En fait, c’était du délire (sic), de type shooté aux anti-dépresseurs.

Lire la suite...

samedi, octobre 18 2008

La Robe - Robert Alexis

Terminé tout à l'heure La Robe de Robert Alexis, chez Points Seuil, après José Corti. Séduite dans les premières pages par une écriture charnue, riche, évocatrice, très « démodée », je me suis d’abord laissée emporter sans rechigner dans un enchâssement de récits pour le moins sommaire, le narrateur 1 (un libertin qui suit les femmes) passant très vite la parole au narrateur 2 (un clochard en habit d’officier) pour disparaître sans autre forme de procès.

Lire la suite...

samedi, avril 12 2008

Il arrive comme ça que l’on ait des accès de masochisme.

Comme de lire pendant une insomnie Le Moral des ménages d’Éric Reinhardt.

Un type qui a indéniablement du talent. Celui en particulier de conjuguer en un monologue intarissable (intérieur ? j’espère parce que si c’est ce genre de propos qu’il tient à ses innombrables et anonymes – quoique prénommées – conquêtes, on comprendrait qu’elles se sauvent, même s’il baise comme un dieu) une évocation fulminante de la vie médiocre d’une famille de la classe moyenne – celle de Manuel Carsen – et la conjoncture économique des années Giscard et après. Fureur du rejeton envers ses parents dévorés par le souci de l’épargne et la terreur du danger, récit rageur des échecs professionnels du père (petit, écrasé, servile), de l’obsession morose de la mère pour le ménage, le commifaut, le camembert plâtreux de la semaine, délires fantasmatiques : l’assassinat à petit feu de Michel Delpech pour avoir commis ''le Loir et Cher'' (la mélodie m’est revenue à lire les paroles du refrain, j’ignorais même que tel en fût le titre), l’enfermement kafkaïen du père dans un placard, et les pages et les pages de branlettes et / ou de rencontres sexuelles imaginaires ou réelles. Un art du catalogue, de l’énumération, de l’invective, savant dosage de Céline et de Lautréamont, frappé au coin d’un indéniable sens de l’observation fielleuse et de la formule idem.

Lire la suite...

lundi, janvier 14 2008

Le Canapé rouge - Michèle Lesbre

Je n’ai pas DU TOUT aimé ce roman. J’aurais bien voulu. On m’en avait fait l’éloge, le titre sonnait bien. Je l’ai lu à contrecœur, avec irritation, dès les premières pages.
La narratrice, une femme vieillissante, un peu évanescente, exilée des idéaux de sa jeunesse militante par la force de l’Histoire, est partie sur les traces à demi-effacées d’un amant d’autrefois, ami d’aujourd’hui, qui s’en est allé faire du théâtre et fabriquer des cerfs-volants dans une bourgade des rives du lac Baïkal. Sans nouvelles de lui depuis plusieurs mois, elle a quitté Paris, les revues où elle écrit, et la vieille voisine au canapé rouge, pour embarquer dans une sorte de Transsibérien omnibus, jusqu’à Irkoutsk.

Lire la suite...

lundi, novembre 5 2007

J'ai essayé Marc Lévy....

TOUTES mes élèves le lisent. L'une d'entre elles m'en a prêté deux, dont ''Et si c'était vrai''.

C'est mortel. J'ai soupiré dès les premières lignes, où l'on naufrage dans une accumulation de petits détails mobiliers et non moins inutiles. C'est truffé de fautes de langue. L'action se traaîîîne. Je vais le finir, mais je ne lirai pas le second. Quand je pense qu'elles reprochent à Balzac ses descriptions ! C'est une chronique de gestes, ce bouquin.
Question : Mais alors, qu'est-ce diable qui fait le succès de cet auteur ??? Sa belle petite gueule étalée complaisamment sur le verso de la couverture ? Sinon, je ne vois pas. Parce que comme réflexion sur les mystères du coma, il y a mieux. Et les tartines sur la merveille de vivre... Non vraiment. Lauren émerge à la dernière page de son interminable catalepsie (j'ai déjà regardé) et elle ne reconnaît pas Arthur qui l'a accompagnée sur le chemin du retour à la vie, l'ingrate.
La lectrice, quant à elle, a depuis longtemps sombré dans un ennui insondable, comateux.

Lire la suite...

- page 1 de 2